Enfin, deux reportages de deux journalistes très courageux et perspicaces nous donnent un petit aperçu de la façon dont les gens ordinaires deviennent extraordinaires dans des circonstances difficiles.
Vivian Fernandes (Brésil) parle de sa visite dans la jungle colombienne pour rencontrer les guérilleros de l’Armée de libération nationale (ELN). Là où les sociétés transnationales opèrent, dit Lucia, membre de l’ELN à Vivian, c’est là où se trouve l’État. L’État est le bulldozer et le gardien de la sécurité des entreprises monopolistiques. Il ne se concentre pas sur la coordination du logement et de l’éducation, de la santé et de la culture pour la population.
Niren Tolsi (Afrique du Sud) parle de sa visite au Sri Lanka, où l’insurrection a été tuée et où l’espoir ne vit que dans la marge. Les attentes sont très modestes, là-bas. « Où sont enterrés nos enfants? », demandent les gens : » Quelque chose est mieux que rien « , dit un défenseur des droits humains.
C’est une journée froide et lumineuse aujourd’hui. Je lis un des grands poètes coréens, Shin Kyong-nim. Il me rappelle à quel point il est important d’écrire, de parler et de militer pour quelque chose de mieux. Même dans les pires jours de la dictature militaire en Corée du Sud, il a écrit avec émotion sur la nécessité d’une organisation et d’un changement. En 1973, Shin Kyong-nim publie un livre intitulé Nong-mu (La danse des fermiers). Dans ce poème, Le chemin à parcourir, traduit par le Frère Antoine (An Sonjae), il écrivait ceci :
Nous nous sommes rassemblés, portant des piques et des lances rouillées.
Dans le bosquet éclairé par la lune, derrière l’entrepôt de sacs de paille,
nous nous sommes d’abord repentis et avons prêté serment à nouveau,
épaule contre épaule, nous savions enfin où aller.
Nous avons jeté nos piques et nos lances rouillées.
Le long du sentier en gravier menant à la ville
nous ne nous sommes rassemblés qu’avec nos poings vides et notre souffle de feu.
Nous nous sommes rassemblés avec rien d’autre que des cris et des chansons.
Notre image cette semaine (voir ci-dessous) est celle de Marielle Franco (1979-2018), qui a été tuée il y a neuf mois cette semaine. Marielle – comme on l’appelle désormais – était une femme noire, une socialiste, une militante LGBTQ et une mère. Elle est née et a grandi dans le Complex da Maré, un important favela (quartier informel) de Rio de Janeiro. Après qu’une amie ait été tragiquement tuée par balle dans la fusillade entre la police et des trafiquants de drogue, Marielle a fait son entrée dans le monde de la politique. Elle voulait mettre fin à ce genre de violence. Élue conseillère municipale à Rio, elle a été présidente de la Commission des femmes. Sa voix – sa voix fière et forte – contre la violence dans sa maison et dans des maisons qui lui ressemblaient, comme la maison des membres d’AbM en Afrique du Sud, était ce que quelqu’un a fait taire. Nous rendons hommage à son courage et à sa force et demandons à nouveau: qui a tué Marielle? Les assassins de Marielle et Gauri Lankesh (Inde), Suad al-Ali (Irak) et Hrant Dink (Turquie) et tant d’autres seront-ils contraints de renoncer à leur fauteuil de pouvoir ?
Chaleureusement, Vijay.
PS : vous trouverez nos lettres d’information et dossiers précédents, documents de travail et cahiers sur notre site Internet en anglais, français, portugais et espagnol (avec quelques documents en turc !).
*Traduit par Alexandre Bovey |