Je ne crée pas pour les institutions ; je crée pour mon peuple
Solidarité avec la Palestine
Le 30 mars marque le quarante-huitième anniversaire de la mort de six Palestiniens et de centaines de blessés par les forces israéliennes, qui faisaient partie de ceux qui résistaient à la dépossession de la région de Galilée. En ce jour, désormais connu sous le nom de Journée de la Terre, des personnes et des mouvements du monde entier se mobilisent en solidarité avec la Palestine, exigeant la fin de l’occupation israélienne et du génocide à Gaza. En l’honneur de la Journée de la Terre, j’ai interviewé Malak Mattar, une artiste de Gaza, à propos de sa dernière et plus grande fresque murale de cinq mètres, Last Breath (2024), qui témoigne des crimes d’Israël dans sa ville natale depuis le 7 octobre 2023. Malak a commencé à peindre vers l’âge de quatorze ans, peu de temps avant qu’Israël ne lance l’offensive militaire majeure de l’opération Bordure protectrice sur la bande de Gaza en 2014. Lorsque je me suis assis avec Mattar dans son studio pour parler, elle se préparait pour une exposition personnelle de la fresque à Cromwell Place à Londres, au Royaume-Uni (vous pouvez trouver notre interview complète d’une demi-heure ici).
En dépit de sa prochaine exposition, elle a déclaré : « Je ne crée pas pour les institutions ; Je crée pour mon peuple. Et ce tableau, le fait qu’il soit écrit en arabe, c’est pour nous, parce que j’ai peint mon peuple. Je ne l’ai pas peint pour que certains Occidentaux le voient, l’approuvent et l’accueillent dans leurs espaces ». Malak rêve qu’un jour ce tableau soit exposé à Gaza « pour se souvenir des artistes qui ne s’en sont pas sorti, qui ont été tués ».
Des artistes comme Heba Zagout, Duniyana Al-Amoor, Muhammed Sami, Majd Arandas. La liste est longue.
Au cours des six derniers mois, dans les attaques israéliennes contre la bande de Gaza, il y a un nombre incalculable d’acteurs, d’artistes, de journalistes, de musiciens et de poètes palestiniens parmi les 32 000 martyrs, sans compter les 75 000 blessés. Malgré la censure et la répression de ceux qui expriment leur solidarité avec le peuple palestinien, les travailleurs culturels continuent de s’exprimer, de l’Alliance Art Not Genocide qui a mobilisé 23 000 artistes pour demander l’exclusion d’Israël de la Biennale de Venise à diverses manifestations pro-palestiniennes dans les institutions artistiques des capitales du Nord.
Depuis octobre 2023, sous la bannière « Artistes contre l’apartheid », des travailleurs culturels de plus de 60 pays ont créé des œuvres d’art, organisé des événements et participé à des actions politiques, et 11 000 ont signé un communiqué commun qui déclare :
En tant qu’artistes et producteurs culturels, nous nous joignons aux peuples du monde et au peuple héroïque de Palestine pour arrêter cette guerre génocidaire et mettre fin à 75 ans d’occupation. Nous sommes conscients du pouvoir de notre travail pour façonner l’opinion publique à notre époque. En tant qu’artistes, nous avons une responsabilité unique d’utiliser notre voix et nos pratiques artistiques pour protester contre l’apartheid et amplifier la juste cause du peuple palestinien et sa résistance contre l’occupation et l’oppression.
Plusieurs affiches d’artistes tricontinentaux et de nos amis proches ont trouvé leur place dans les actions de rue ¡Puebla por Palestina ! (‘Puebla pour la Palestine’) au Mexique, organisées par le Frente Amplio en Defensa de la Educación Pública (FADEP) et soutenues par Grupo Tiempos Modernos, Utopix et d’autres organisations populaires. Pendant ce temps, à Durban, en Afrique du Sud, nos affiches ont décoré le siège du mouvement des habitants des bidonvilles Abahlali baseMjondolo lors d’un événement d’éducation politique avec l’écrivain, activiste, musicien et auteur Haidar Eid, basé à Gaza. Son livre Decolonising the Palestinian Mind (octobre 2023), dont la couverture a été réalisée par Malak Mattar, a récemment été publié par Inkani Books en Afrique du Sud.
Réaliser une œuvre d’art n’est pas une fin en soi, mais un moyen de s’engager dans la bataille des émotions, la bataille pour les cœurs et les esprits des gens. Les artistes ont la responsabilité d’inciter les gens à agir et de nous aider à concevoir une voie à suivre. Au cours de notre entretien, Malak nous a mis au défi, ainsi que ses spectateurs, de passer à l’action : « Vous devez maintenant faire quelque chose pour ma propre cause… la cause palestinienne », a-t-elle déclaré. « C’est aussi un paramètre moral. Je vois que le monde a lamentablement échoué, et je ne crois pas que l’humanité existe, alors si le monde veut me prouver que j’ai tort, allez-y, s’il vous plaît ».
Célébration internationale des travailleuses
Pour célébrer la Journée internationale du travail des femmes – journée gagnée grâce à la lutte des femmes communistes – l’Assemblée internationale des peuples, en collaboration avec Capire, les mouvements de l’ALBA et Utopix, a lancé une exposition en ligne d’affiches féministes en solidarité avec la Palestine. Quarante-quatre affiches de dix-sept pays ont été produites pour l’exposition, avec des candidatures provenant de la Pologne à Porto Rico, de la Chine à la Colombie, de l’Afrique du Sud à la Suède.
En revenant sur l’histoire des luttes des femmes, notre dossier de mars, Émancipation interrompue : les femmes et le travail en Allemagne de l’Est, traite des réalisations et de l’héritage de la libération des femmes en République démocratique allemande, ainsi que les défis auxquels elle a été confrontée. Des portraits originaux de six femmes leaders ont été illustrés pour le dossier, qui a été produit conjointement avec l’Internationale Forschungsstelle DDR et le Zetkin Forum for Social Research, mettant en valeur les histoires et les contributions de Katharina ‘Käthe’ Kern, Hilde Benjamin, Lykke Aresin, Helga E. Hörz, Grete Groh-Kummerlöw et Herta Kuhrig.
Pour nous, chez Tricontinental, chaque jour est la Journée internationale des femmes qui travaillent. Au fil des ans, nous avons créé des centaines de portraits illustrant la vie et l’œuvre de femmes révolutionnaires. Cette année, le groupe féministe lié au Parti de la justice et à l’International Strategy Centre en Corée du Sud a inclus plusieurs de ces portraits dans son mouchoir. L’une de nos affiches a également été transformée en banderole dans l’État du Mato Grosso, au Brésil, dans le cadre des actions nationales du MST qui ont mobilisé 20 000 femmes sans terre à travers le pays le 8 mars.
La culture comme arme de lutte
Le 2 mars, le débat « Entrer dans le néo-féodal ? Art et résistance à l’ère du capitalisme de plateforme » a été organisé à Delhi, en Inde, avec les artistes et universitaires Sandip Luis, Shukla Sawant et Anupam Roy. Le débat s’est basé sur le dossier tricontinental Culture as a Weapon of Struggle : Medu Art Ensemble and Southern African Liberation (La culture comme arme de lutte : Medu Art Ensemble and Southern African Liberation) pour discuter des développements récents dans le monde de l’art et des précédents historiques de la collectivisation des artistes sur le sous-continent indien. Les intervenants et les personnes du public se sont fait l’écho de leur intérêt commun à résister à la marchandisation de l’art et au virage droitier du mécénat artistique en Inde, soulignant la nécessité pour les artistes militants de s’engager directement dans les luttes populaires en cours.
Il y a deux mois, en janvier, Tricontinental et Artists Against Apartheid ont organisé l’événement « Art, culture, et lutte anti-apartheid », où nous avons lancé notre dossier sur le Medu Art Ensemble. L’événement, co-animé par Hannah Craig de Artists Against Apartheid et moi-même, mettait en vedette Wally Serote, poète lauréat d’Afrique du Sud et cofondateur du Medu Art Ensemble ; Judy Seidman, membre du Medu Art Ensemble ; Clarissa Bitar, musicienne et compositrice palestinienne primée ; et Niki Franco, podcasteuse et travailleuse culturelle. Vous pouvez regarder un enregistrement de l’événement ici.
Chaque jour, c’est la journée des livres rouges !
Bien que le 21 février – anniversaire de la publication du Manifeste communiste en 1848 – soit passé, Tricontinental et l’Union internationale des éditeurs de gauche poursuivent notre tradition de la Journée des livres rouges le 21 de chaque mois en publiant une affiche qui s’inspire d’un livre sur les mouvements, les figures et l’histoire révolutionnaires. Ensemble, ces affiches seront compilées dans un calendrier de la Journée des livres rouges. Notre quatrième affiche, conçue par Junaina Muhammed de Young Socialist Artists in India, est inspirée du livre de Naveen Kumar, Kadana Kana (« Champ de bataille »), qui documente le mouvement historique des travailleurs agricoles en Inde.
D’autres nouvelles…
Le Forum des peuples organise un cours hybride de huit semaines, dont les instructeurs comprennent le directeur de notre institut, Vijay Prashad, et les chercheurs Mikaela Erskog et Manolo de los Santos. De même, je donnerai un cours sur l’art et la libération nationale. Inscrivez-vous ici.
Le 31 janvier, le légendaire artiste indonésien Amrus Natalsya, qui a été membre du collectif Sanggar Bumi Tarung ainsi que du Lekra (ndt : institut de culture populaire, front culturel du parti communiste d’Indonésie) au cours de ses quinze années d’existence, est décédé à l’âge de 90 ans. Pour en savoir plus sur sa vie et son œuvre, cliquez ici.
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Chaleureusement,
Tings
Traduction, Chris & Dine